Le tribunal administratif de Rennes confirme qu’il appartient à l’administration de rechercher, dans le cadre de l’examen d’une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé, si le licenciement pour inaptitude d’un salarié était en rapport avec l’exercice par ce dernier de ses fonctions représentatives ou avec son appartenance syndicale.
A partir de 2019, une salariée a fait l’objet d’une dégradation de ses conditions de travail en raison de son élection comme élue titulaire au CSE et de la mise en cause, dans le cadre de ses fonctions représentatives, du conjoint de sa supérieure hiérarchique. Elle est placée en arrêt de travail en 2020 à la suite d’une altercation avec sa direction reconnue comme un accident de travail. Elle est déclarée inapte à tout poste en 2021.
En 2022, la société voit sa demande d’autorisation de licenciement pour inaptitude refusée par l’administration puis par le ministre du travail. Parallèlement à la contestation de ces décisions devant le tribunal administratif, elle procède au licenciement pour inaptitude de la salariée à l’issue de sa période de protection.
- La confirmation de l’étendue du contrôle de l’administration quant à l’inaptitude
L’administration a refusé d’accorder à l’employeur l’autorisation de licencier la salariée protégée inapte en ce que cette inaptitude « résultait d’une dégradation de son état de santé, elle-même en lien direct avec des obstacles mis par l’employeur à l’exercice de ses fonctions représentatives ».
La société faisait valoir qu’au terme d’une jurisprudence du Conseil d’Etat : « Il n’appartient pas à l’administration de rechercher la cause de cette inaptitude ; qu’il en va ainsi, y compris s’il est soutenu que l’inaptitude résulte d’une dégradation de l’état de santé du salarié protégé ayant directement pour origine les agissements de l’employeur (…) tels que, notamment, un harcèlement moral ou un comportement discriminatoire lié à l’exercice du mandat » (CE, avis, 21 sept. 2016, M. Plessis, n° 396.887 ; CE, 29 mai 2017, Sté Financière Honoré, n° 393.280).
Or, aux termes de ces mêmes décisions, il appartient en toute circonstances à l’autorité administrative de faire obstacle à un licenciement en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par un salarié ou avec son appartenance syndicale, y compris s’agissant d’un licenciement pour inaptitude.
Le tribunal retient ainsi que l’administration « n’a pas méconnu l’étendue du contrôle qui lui incombait » en que le lien entre la dégradation de l’état de santé de la salariée et l’exercice de ses fonctions représentatives permettait de révéler l’existence d’un rapport entre le licenciement et les fonctions représentatives de la salariée. Il rejette ainsi le moyen tiré de l’erreur de droit invoqué par la société et confirme la compétence de l’administration en matière de licenciement pour inaptitude d’un salarié protégé.
- L’absence d’incidence de la décision d’inopposabilité de l’accident du travail
Aux fins de contester le lien entre l’inaptitude de la salariée, intervenue à la suite d’un accident du travail, et l’exercice de ses fonctions représentatives, la société fait notamment valoir que l’accident lui est inopposable en vertu d’une décision du juge judiciaire. Ce dernier, saisi dans le cadre de la contestation par la société de la hausse de son taux de cotisation ATMP, avait en effet considéré l’accident comme non-imputable à la société.
Le tribunal administratif a néanmoins considéré que cette seule circonstance n’était pas de nature à écarter le rapport entre les fonctions représentatives normalement exercées par le salarié et son licenciement, en ce que le litige invoqué ne portait pas sur la totalité des faits qui lui étaient soumis. Il rejette ainsi le moyen de la société tendant à reconnaitre l’erreur d’appréciation de l’administration.
Le tribunal confirme ainsi l’indépendance de l’appréciation de l’administration s’agissant du lien entre l’accident et les conditions de travail du salarié par rapport à la décision du juge judiciaire statuant dans le cadre d’un contentieux de tarification ATMP. Une telle décision semble en cohérence avec le principe d’indépendance des rapports entre la CPAM et le salarié victime d’une part et la CPAM et l’employeur d’autre part, selon lequel la décision d’inopposabilité de la décision de prise en charge de l’accident au titre de la législation professionnelle est sans incidence sur la décision de reconnaissance de son caractère professionnel à l’égard de la victime (Cass. 2e civ., 25 avr. 2024, n°22-16.197).