Dans la lignée de la Cour d’appel d’Orléans qui avait jugé qu’un harcèlement sexuel peut consister en un harcèlement d’ambiance marqué par des blagues obscènes et vulgaires (Cour d’appel d’Orléans, Chambre sociale, 7 février 2017 n° 15/02566), le Conseil de Prud’hommes d’Angers a, à son tour, retenu l’existence d’un harcèlement dans un environnement de travail inapproprié favorisant les dérives…bien loin de l’ambiance « start up » détendue revendiquée par l’entreprise.
Après une première audience de jugement, le Conseil de prud’hommes a rendu une décision avant dire droit par laquelle il a convoqué les parties à une audience d’audition de témoins (CPH Angers, 11 mai 2023, n°22/00157).
Cette décision – qui n’était pas sollicitée par les parties – a été rendue sur le fondement de l’article 143 du Code de procédure civile qui permet au juge d’ordonner des mesures d’instruction.
Le Conseil a convoqué plusieurs témoins, salariés et anciens salariés de la société, et sollicité la production par la société de nouveaux documents.
Les témoignages recueillis dans le cadre de ces auditions ont été largement repris dans la motivation du jugement. De manière générale, le Conseil a retenu qu’il existait « une concordance dans les expressions, terminologies et mots utilisés, évoquant une forme de concertation douteuse » entre les témoins ayant soutenu la version de la société.
Pour juger que la salariée avait été victime de harcèlement sexuel et moral, le Conseil a retenu que l’audition avait permis de révéler :
- Des comportements inappropriés à l’égard de la salariée ;
- L’absence d’enquête après l’alerte donnée par la salariée
- Des changements managériaux postérieurs aux événements et au départ de la salariée (CPH Angers, 8 février 2024, n°23/00157).
Cette décision permet de rappeler que, dans les dossiers factuels où les versions s’opposent, certaines mesures d’instruction autres que la demande de production de pièces peuvent permettre d’éclairer le juge pour trancher le litige.