Par un jugement du 9 novembre 2023, le Tribunal judiciaire de Strasbourg juge qu’un CSE peut demander à son expert, mandaté dans le cadre de la consultation récurrente sur la politique sociale et les conditions de travail, d’apprécier l’impact de la nouvelle classification prévue par la CCN de la métallurgie sur les conditions de travail et d’emploi dans l’entreprise.
Rappelons qu’un accord de branche a été signé le 7 février 2022, rénovant complètement les accords de branche de la métallurgie. L’accord de branche a notamment prévu de refonder les classifications des entreprises de la métallurgie. Les entreprises doivent appliquer la nouvelle classification pour le 1er janvier 2024.
En l’espèce, le CSE d’une société de plus de 50 salariés a été consulté sur la politique sociale, les conditions de travail et de l’emploi. Décidant de recourir à une expertise (article L2315-91 du Code du travail), le CSE a expressément demandé à son cabinet d’experts d’analyser plusieurs thématiques, dont « les perspectives d’évolution des salariés au sein de l’entreprise » et « le changement de la convention collective ».
Le CSE a demandé au cabinet d’experts de réaliser particulièrement :
« une étude sur les modalités de déploiement des dispositions de la convention collective de la métallurgie relatives aux classifications en lien avec les conditions de travail et d’emploi actuel avec :
o une analyse critique de la conduite de projet
o une analyse de la prise en compte des futures fiches d’emploi
o (cartographie métier), du travail réel et des évaluations des cotations »
L’employeur n’a pas contesté cette délibération. Mais en recevant la lettre de mission de l’expert qui intégrait ce volet « classifications », il a décidé de la contester devant le Tribunal judiciaire, estimant que l’analyse de l’impact de la nouvelle classification ne relevait pas des missions de l’expert.
Le Tribunal a débouté l’employeur de sa demande sur ce point, estimant que « la nouvelle classification de la métallurgie applicable en 2024 rentre de facto dans le périmètre de l’article [L.2312-26] dès lors que les statuts internes des salariés vont être modifiés ».
Cette solution est logique. En effet, l’article L.2312-26 du Code du travail identifie les champs de la consultation sur la politique sociale :
« I.- La consultation annuelle sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi porte sur l’évolution de l’emploi, les qualifications, le programme pluriannuel de formation, les actions de formation envisagées par l’employeur, (..) »
La nouvelle classification de la métallurgie, applicable dès janvier 2024, impacte nécessairement l’emploi des salariés et leurs qualifications, puisque les statuts internes seront bouleversés, au regard de la suppression des notions « d’ouvrier, techniciens, agents de maitrise, ingénieurs », et l’unique distinction restant, à savoir, les « cadres » et les « non cadres ».
Pour mettre en place la nouvelle classification, le guide pédagogique paritaire, arrêté au niveau de la branche, invite à respecter la procédure suivante : « recenser les emplois existants », « évaluer les emplois » puis « affecter chaque emploi à sa classe ».
Cette procédure matérialise nécessairement une « évolution de l’emploi » et des qualifications dans l’entreprise, ce qui rentre dans le champ de la consultation sur la politique sociale.
L’entrée en vigueur de la nouvelle classification impacte également nécessairement le « plan de développement des compétences du personnel de l’entreprise », expressément visé par l’article L2312-26 du Code du travail.
Enfin, il faut rappeler que la BDESE, qui est l’un des éléments importants des consultations récurrentes du CSE, oblige l’employeur à communiquer des informations prospectives, sur les trois années suivantes (article R2312-10 du Code du travail).
La solution retenue par le Tribunal judiciaire de Strasbourg était donc pleinement justifiée.