L’accord collectif ne peut déroger à l’obligation de consulter le CSE, en instituant, comme c’était le cas dans la présente affaire, une simple information du CSE en cas “d’ajustement d’organigramme”.
Le CSE de POLE EMPLOI GRAND EST est chargé de la défense des intérêts de plus de 4000 agents. Constatant que son employeur multipliait les « réajustements » d’organigrammes, avec, à chaque fois, la suppression d’un poste de manager ou le redimensionnement des équipes, le CSE a demandé à être consulté à l’occasion de deux nouveaux réajustements, touchant les agences de SEDAN et le service central DRAPS chargé des relations sociales. Face au refus de son employeur, le CSE a saisi le Tribunal judiciaire de Strasbourg, en référé, qui a constaté le trouble manifestement illicite et qui a accordé au CSE une provision sur dommages et intérêts à hauteur de 5000 € (ordonnance du 19 avril 2021). POLE EMPLOI Grand Est a interjeté appel.
Devant la Cour d’appel de Colmar, POLE EMPLOI Grand Est a estimé que « la consultation ne revêt cependant un caractère obligatoire que lorsqu’il s’agit d’une modification importante dans l’organisation interne et non pas, comme en l’espèce, d’ajustements d’organigramme mineurs concernant peu de salariés ». POLE EMPLOI a en outre considéré que les réajustements étant d’ores et déjà opérés, aucune urgence ne fondait l’action du CSE.
La Cour d’appel de Colmar rejette les arguments de l’employeur et confirme la totalité de l’ordonnance du Tribunal judiciaire de Strasbourg.
En premier lieu, la Cour d’appel rappelle que l’action du CSE fondée sur la contestation d’un trouble manifestement illicite (article 835 du Code de procédure) n’est pas conditionnée à l’existence d’une urgence. L’action du CSE étant donc recevable, même menée après la décision contestée.
La Cour d’appel souligne également que les dispositions de l’article L.2312-8 du Code du travail sont d’ordre public et qu’aucun accord collectif ne peut y déroger. En l’espèce, l’accord d’entreprise POLE EMPLOI prévoyait une simple information du CSE en cas d’ajustement d’organigramme. La Cour écarte cette clause car violant le droit à consultation du CSE.
La Cour fait ensuite droit aux demandes du CSE, en retenant que la modification des structures de l’agence de SEDAN et de l’organisation du service DRAPS s’inscrivait dans un cadre général, une « volonté délibérée, au sein de Pôle emploi Grand Est, de suppression d’échelons de la hiérarchie intermédiaire, impliquant une modification de la structure des effectifs et conduisant à un alourdissement des tâches des responsables restants amenés à gérer des équipes plus nombreuses. »
Grâce à ce regard d’ensemble porté sur les réajustements successifs de POLE EMPLOI GRAND EST, les magistrats d’appel en concluent que les décisions en cause touchaient à l’organisation du travail au sein de l’établissement « et revêtaient un caractère suffisamment général et durable pour justifier une consultation du comité social et économique, quand bien même le nombre de salariés concernés serait faible au regard de l’effectif total de Pôle emploi Grand Est ».
Le CSE n’ayant pas été consulté, le trouble manifestement illicite était constitué et les juges ont confirmé que le préjudice du CSE devait être indemnisé.
Cette décision est à saluer et à mettre en parallèle avec un arrêt récent de la Cour de cassation (Cass. soc., 7 juill. 2021, n° 19-15.948) qui a lui aussi consacré le droit à consultation du CSE en cas de projet affectant la marche générale de l’entreprise, peu important l’impact sur les conditions de travail des salariés.