Par une interprétation de dispositions ambigües du code du travail, le Tribunal Judiciaire de Paris rappelle que le temps passé par les membres de la délégation du personnel au CSE aux réunions du CSE n’est pas déduit du crédit d’heures de délégation. Le plafond prévu par les articles L. 2315-11, 2° et R. 2315-7 du Code du travail s’applique aux seules réunions des commissions autres que la CSSCT. Une décision unilatérale ne peut pas fixer un plafond au-delà duquel le temps passé aux réunions du CSE est déduit du crédit d’heures de délégation.
Dans cette affaire, l’employeur avait élaboré une décision unilatérale sur le fonctionnement du CSE aux termes de laquelle « le temps passé en réunions du CSE par les membres de la délégation du personnel à cette instance et réunions des commissions du CSE, exception faite de la commission santé sécurité et conditions de travail, est rémunéré comme du temps de travail effectif et non déduit des heures de délégation, dans la limite de 70 heures par année civile ».
Cette décision a été contestée par la CFDT et par plusieurs membres titulaires de la délégation du personnel au CSE.
Pour mémoire, l’article L. 2315-11, 2° du Code du travail prévoit que n’est pas déduit du crédit d’heures de délégation le temps passé « aux réunions du comité et de ses commissions, dans ce cas dans la limite d’une durée globale fixée par accord d’entreprise ou à défaut par décret en Conseil d’Etat ». L’article R. 2315-7 du Code du travail fixe ce plafond, en l’absence d’accord, à 30 heures pour les entreprises de 300 à 1.000 salariés et à 60 heures pour les entreprises d’au moins 1.000 salariés. Il exclut également l’application de ce plafond au temps passé aux réunions de la CSSCT.
L’employeur soutenait que la mention « dans ce cas » de l’article L. 2315-11 du Code du travail visait à la fois les réunions du comité et des commissions. Il se prévalait également de la décision du Conseil d’Etat du 15 juillet 2020 (n° 418543) dans laquelle, amené à se prononcer sur la légalité de l’article R. 2315-7 du Code du travail, il avait considéré que cette disposition fixait « un plafond d’heures au-delà duquel le temps passé aux réunions du comité social et économique et de ses commissions est déduit des heures de délégation ».
A tort, selon le Tribunal judiciaire de Paris.
Avant toute chose, le Tribunal judiciaire a jugé recevable l’action introduite par une organisation syndicale (en défense de l’intérêt collectif de la profession) et par des membres titulaires du CSE agissant à titre individuel (dont les droits sont lésés par le non-respect des dispositions légales et règlementaires relatives au décompte des heures de délégation).
Sur le fond, le Tribunal judiciaire a fait droit aux demandes des requérants en jugeant illicite la disposition litigieuse de la décision unilatérale et en ordonnant à l’employeur, sous astreinte, de s’abstenir de déduire des heures de délégation le temps passé aux réunions du CSE convoquées par l’employeur (y compris de manière rétroactive, mais uniquement pour les membres de la délégation du personnel au CSE parties à l’instance).
Le Tribunal a retenu que la mention « dans ce cas » de l’article L. 2315-11 du Code du travail visait les seules réunions des commissions, en soulignant que « cette formule n’aurait eu aucune utilité si la dérogation avait eu à s’appliquer aux réunions du comité et de ses commissions dans leur ensemble ».
Au-delà de l’examen de la lettre de l’article L. 2315-11 du Code du travail, le Tribunal s’est utilement référé, d’une part, à l’examen de la genèse de cette disposition, en procédant à une analyse de l’évolution de la rédaction du texte, et, d’autre part, à l’objectif social du texte, en soulignant que l’application de ce plafond au temps passé aux réunions du CSE « réduirait de manière sensible les heures de délégation à la disposition des membres titulaires pour se consacrer à leurs missions autres que celles passées en réunions plénières du CSE ».
Cette solution avait déjà été retenue par le Tribunal judiciaire de Lyon en référé dans une décision du 7 juin 2021. Il s’agit toutefois d’une confirmation bienvenue compte tenu de la position adoptée par le Conseil d’Etat et des difficultés pratiques que peuvent rencontrer certains élus sur cette question.