Le Groupe PERRENOT ROBINEAU est une entreprise de dimension très importante avec plusieurs centaines de salariés répartis dans tout le territoire national. Les plaintes déposées par des salariés pour harcèlement moral ne sont pas toujours suivies d’enquête de la part du Parquet. Dans ce dossier tel était le cas et on peut s’en réjouir.
L’une des raisons sans doute, de l’activité, de la bienveillance du Parquet était sans doute le nombre de plaignants.
En effet, c’est une entreprise au sein de laquelle de nombreux chauffeurs m’avaient interpelé ainsi que le Syndicat CFDT Transports Sarthe Mayenne au sujet du harcèlement moral dans cette entreprise à l’échelle institutionnelle.
Si le Parquet a été actif, et l’officier de police judiciaire particulièrement consciencieux, les avocats des prévenus n’avaient pas manqué de relever que l’enquête reposait essentiellement certes sur de très nombreuses auditions mais pas sur d’autres type d’actes.
Il faut savoir que, dans ce dossier, le procès-verbal comptait plusieurs dizaines de salariés entendus outre différents PV et correspondances de l’inspection du travail.
Il est évident que peu d’investigation d’un autre type que d’auditions ont été effectuées.
C’est ce qui a été reproché avec véhémence par les avocats des prévenus à l’audience.
Pour les avocats du Réseau AVEC et les Syndicats, il m’apparaît que, malheureusement, il est extrêmement difficile de faire aboutir ce genre de contentieux sans l’appui d’une enquête pénale, quel que soit son niveau d’approfondissement et de perfection.
D’un point de vue pratique, on pourra retenir que, la plupart du temps, lorsque plusieurs salariés, appuyés par le Syndicat, se déplacent au commissariat ou font une plainte groupée par l’intermédiaire de l’avocat, il est rare qu’a minima une enquête ne soit pas déclenchée.
C’est à mon avis une voie que nous devons approfondir.
Sur le fond, si de nombreux salariés ont été harcelés, cela s’est fait avec des conséquences particulièrement dramatiques pour deux d’entre eux aboutissant au décès par suicide et pour un autre d’un décès par AVC pendant qu’il conduisait, lequel AVC dans ce jugement n’a pas été reconnu comme conséquence de l’infraction pénale.
A l’époque, l’épouse du salarié n’avait entrepris aucune démarche et des constats médicaux auraient pu être utiles.
La décision est évidemment pour le reste extrêmement favorable en ce que, nonobstant l’opposition unitaire des avocats des prévenus, le Tribunal a pris le temps d’examiner les auditions, de les croiser et de constater qu’un harcèlement institutionnalisé était bien démontré au sein de cette entreprise.
L’un des intérêts, peut-être, de cet arrêt est, outre la reconnaissance de ce harcèlement à caractère institutionnalisé dans l’entreprise, l’existence d’une consigne à caractère implicite.
En effet, il ressortait des débats que, malgré l’absence de tout écrit sur une consigne explicite de violation des horaires de travail, les salariés étaient toujours placés par les agents d’exploitation et leur direction dans des conditions telles que ceux-ci étaient amenés à dépasser les horaires dont nous savons tous qu’ils font l’objet d’une règlementation particulièrement précise et contraignante en matière de transports routiers.
Si l’on ajoute à cela l’existence de « punitions » où les salariés étaient affectés à des zones et/ou des horaires qui ne leur convenaient pas lorsque ceux-ci osaient porter des réclamations, la décision du Tribunal apparaît logique.
Au risque de se répéter, j’encourage donc les confrères et le Syndicat à unir les salariés dans des démarches pénales pour pouvoir obtenir un maximum d’éléments.
Enfin, le jugement a fait l’objet d’un appel de la part des prévenus.