Rappelons que les décisions de l’administration ne sont pas toutes susceptibles d’être contestées devant le juge et que, notamment, ne le sont pas les mesures dites « d’ordre intérieur », mesures qui ont certes un aspect « décisoire », mais dont « la faible importance pratique et la minceur juridique ont paru justifier qu’elles ne puissent faire l’objet de débats devant la juridiction » (R. Chapus, Contentieux, n° 670). En matière de fonction publique, cette distinction a une grande importance pratique s’agissant des mesures affectant les conditions – et notamment le lieu – d’exercice de leurs fonctions par les agents. De telles décisions sont normalement considérées comme des « mutations » qui peuvent être contestées devant le juge. Mais, de telles mesures qui, tout en modifiant l’affectation d’un agent ou les tâches qu’il a à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu’il tient de son statut ou à l’exercice de ses droits et libertés fondamentaux, ni n’emportent perte de responsabilités ou de rémunération, sont – à moins qu’elles ne traduisent une discrimination – considérées comme de simple « changement d’affectation », et donc comme des mesures d’ordre intérieur (Conseil d’Etat, Section, 25 septembre 2015, n° 372624, au Recueil ; v. également : CE, 7 décembre 2018, n° 401812, aux Tables).
En l’espèce, le Conseil d’Etat était saisi de la situation d’un enseignant « titulaire sur zone de remplacement », c’est-à-dire non affecté sur un poste en particulier mais « volant » et susceptible d’être appelé dans tout établissement de la zone pour y effectuer un remplacement.
Cet agent avait formulé deux demandes, la première visant une décision lui ayant signifié un changement de zone de remplacement, et la seconde ayant refusé de lui confier un poste fixe (et donc de mettre fin à sa situation de remplaçant volant).
Le Conseil d’Etat juge, s’agissant de la première de ces mesures, qu’elle constitue une simple mesure d’ordre intérieur.
Il retient en revanche que le refus de faire droit à la seconde de ces demandes constitue le refus de faire droit à une demande de « mutation » qui peut donc (comme la mutation elle-même, puisque le refus de mutation suit le même sort contentieux qu’une mutation ; v. CE, 21 décembre 2001, n° 215089 et 217594 ; CE, 11 décembre 2006, n° 282204 ; CE, 10 juin 2011, n° 322034…) être contesté devant le juge
C.E. 5 mars 2024, n° 466622, sera publié aux Tables du Recueil Lebon.