Le défenseur syndical exerce des fonctions d’assistance ou de représentation devant les conseils de prud’hommes et les cours d’appel en matière prud’homale. (articles L.1453-4 et suivants du Code du travail); La procédure d’appel des jugements des conseils de prud’hommes a été profondément bouleversée par le décret du 20 mai 2016. Auparavant, les justiciables pouvaient se défendre seuls ; ils pouvaient aussi être assistés ou représentés par un défenseur syndical ou par leur avocat. Désormais, depuis le 1er aout 2016, la représentation devant la Cour d’appel est obligatoire. Le salarié ne peut plus se défendre en personne, il doit être obligatoirement représenté par un avocat ou par un défenseur syndical.
Le même décret prévoit que l’appel est formé, instruit et jugé suivant la procédure avec représentation obligatoire devant la Cour d’appel.
Il faut alors se référer aux articles 900 et suivants du Code de procédure civile, une zone de la procédure que fréquentaient peu les praticiens du droit du travail. Sa complexité et la rigueur intransigeante de la Cour de cassation ont découragé de nombreux défenseurs syndicaux de s’aventurer devant les cours d’appel.
L’arrêt rendu par la Cour de cassation du 23 novembre 2023 est intéressant car il amorce peut-être une lecture moins formaliste des textes du Code de procédure civile. La Cour de cassation lit les articles 930-3 et 114 du Code de procédure civile à l’aune de l’article 6.1 de la CEDH et de la jurisprudence de la Cour de justice sur le droit à un procès équitable.
Les faits sont les suivants : Mr G. représenté par un défenseur syndical CFDT, a régulièrement fait appel le 19 aout 2019, d’un jugement du Conseil de prud’hommes de Forbach.
Dans le délai de trois mois, imparti par l’article 908 du CPC, le défenseur a déposé ses conclusions au greffe de la Cour d’appel et il a remis ses conclusions et ses pièces à l’avocat de l’employeur en main propre contre récépissé.
Or , l’article 930- 3 du CPC prévoit que les notifications entre un avocat et un défenseur syndical sont faites par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par voie de signification.
L’avocat de l’employeur a saisi le conseiller de la mise en état d’une requête afin de voir déclarée caduque la déclaration d’appel car le défenseur syndical n’avait pas respecté ce dernier texte.
Le Conseiller de la mise en état a fait droit à sa requête et il a déclaré caduc l’acte d’appel du défenseur syndical. Ce dernier a déféré l’ordonnance à la Cour d’appel. Dans son arrêt du 22 juillet 2021, la Cour d’appel juge que les échanges entre un avocat et un défenseur syndical sont réglementés par l’article 930-3 du CPC et que si le défenseur a remis ses conclusions en main propre contre récépissé, elles n’ont pas été notifiées par LRAR ou par acte d’huissier avant le terme du délai de trois mois qui lui était imparti par l’article 908 du CPC et en conséquence, elle déclare caduc l’acte d’appel, mettant ainsi un terme au litige.
Dans son arrêt du 23 novembre 2023, publié au Bulletin, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel de Metz.
Devant la Haute Cour, l’avocat du défenseur syndical soutenait en premier lieu que la caducité d’une déclaration d’appel, faute de notification de conclusions à l’intimé dans les conditions de forme prévues par l’article 930-3 du CPC, ne peut être encourue, en raison d’une irrégularité de forme affectant cette notification, qu’en cas d’annulation de cet acte, sur la démonstration par celui qui l’invoque du grief que lui a causé l’irrégularité. Il reprochait à la Cour d’avoir violé les articles 114 et 930-3 du CPC alors qu’elle avait constaté que le défenseur avait remis en main propre contre récépissé les conclusions d’appelant à l’avocat de l’intimé dans le délai de trois mois suivant l’acte d’appel, sans avoir préalablement annulé cet acte de notification dans les conditions de l’article 114 du CPC, sur démonstration par l’intimée du grief que lui aurait causé l’irrégularité de forme.
Il invoquait ensuite que la Cour d’appel qui avait constaté que le défenseur syndical avait bien remis ses conclusions en main propre contre récépissé dans le délai de trois mois de l’article 908 du CPC, avait adopté une position formaliste entravant le droit d’accès au juge du salarié en violation de l’article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
La Cour de cassation a fait droit à son moyen et elle casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel de Metz.
Elle juge « qu’en statuant ainsi, alors que la remise des conclusions par l’appelant en main propre à l’avocat de l’intimé contre récépissé, faite en lieu et place de la notification par LRAR , qui établit non seulement la remise mais aussi sa date certaine, constitue une irrégularité de forme qui n’est susceptible d’être sanctionnée, le cas échéant que par le prononcé d’une nullité de forme sur la démonstration d’un grief, la Cour a violé les textes susvisés »
La solution est heureuse car elle permet à Mr G., salarié protégé mis à retraite de manière illicite, de poursuivre la procédure qui l’oppose à la société PETROCHEMICAL France depuis …2007.
Cependant l’arrêt ne dispense pas pour autant les défenseurs syndicaux de notifier les actes de procédure devant la Cour d’appel dans les formes de l’article 930-3 du CPC, c’est à dire par LRAR ou par voie de signification par huissier de justice.