Si les textes relatifs à la BDESES sont ambitieux quelle est la réalité sur le terrain ? Partant de l’idée innovante de ce que les élus devaient disposer notamment pour les informations en vue des consultations récurrentes (L.2312-17 du code du Travail) d’une information utile à l’exercice de leur mandat et de leurs compétences (L. 2312-21), accessibles en permanence, actualisée par l’employeur régulièrement (L. 2312-36) et ce « au moins dans le respect des périodicités prévues » par le code du Travail (R. 2312-11), les négociateurs de l’ANI du 11 janvier 2013 ont négocié la mise en place de la BDES (Base de données économiques et sociales).
Un objectif ambitieux pour la qualité du dialogue social était exposé :
« La qualité de l’information économique et sociale partagée est l’une des conditions indispensables à l’effectivité d’un dialogue social de qualité notamment sur la répartition des richesses que produit l’entreprise. L’information économique et sociale des élus doit reposer sur une présentation claire et lisible de la formation et de la répartition de la valeur créée par l’activité de l’entreprise. Elle doit permettre aux représentants des salariés de disposer d’une vision claire et actualisée des options stratégiques impactant les conditions, la rémunération et la finalité du travail »
La Loi de Sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 a été reprise dans le code du travail et la loi du 25 Août 2021 l’a enrichie d’un volet environnemental.
Son contenu a été réfléchi afin de permettre aux élus d’exercer utilement leurs compétences et leur mandat (Article L. 2312-18 du Code du travail), tout en permettant par accord d’entreprise (Article l.2312-21), de négocier son contenu, son architecture, et les modalité de fonctionnement.
A défaut d’accord, c’est un accord de branche qui peut, dans les entreprises de moins de trois cents salariés également les définir
En résumé le contenu de la BDESE est fixé par le Code du travail :
- Certaines dispositions sont d’ordre public ;
- D’autres peuvent faire l’objet d’une négociation au niveau de l’entreprise.
En l’absence d’accord les articles L. 2312-36 et R. 2312-9 du Code du travail déclinent avec une très grande précision, l’ensemble des données et indicateurs devant être renseignée ainsi que la temporalité des données (les 2 années précédentes, l’année en cours et les perspectives à 3 ans).
Le législateur a voulu donner au contenu de la BDESE une importance capitale.
Support de l’information, le CSE central ou le CSE peut agir sur le fondement des dispositions de l’article L. 2312-15 du Code du travail si elle est indigente :
« s’il estime ne pas disposer d’éléments suffisants, saisir le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, pour qu’il ordonne la communication par l’employeur des éléments manquants.
Sur le plan procédural, la Cour de cassation a jugé que l’action selon la procédure accélérée au fond était ouverte au CSE, même en dehors d’une procédure de consultation (Cass. soc., 24 novembre 2021, n°20-13.904)
Et pour être complet précisons, que lorsque l’employeur ne met pas à la disposition du CSE les informations obligatoires au sein de la BDESE, le délai de consultation ne court pas (Cass. soc., 28 mars 2018, n°17-13.081).
Enfin, l’absence de BDESE comme le fait de mettre en place une BDESE incomplète ou non mise à jour constituent un délit d’entrave au fonctionnement du CSE et exposent l’employeur à 7 500 euros d’amende.
Le jugement du Tribunal judiciaire de Vienne du 10 novembre 2022 en est une illustration de l’action entreprise par le CSE Central afin de faire respecter ses prérogatives.
Les élus du CSE Central constataient depuis des années que la BDESE étaient totalement indigente ; données obsolètes pour certaines, items non renseignés ou inexistants.
Leurs multiples relances en réunion plénière, actés dans des PV, restaient sans effet, l’employeur se réfugiant notamment derrière le prétexte de la mise place d’un nouveau logiciel en cours d’installation, et dont il était nécessaire au service RH de s’approprier, un manque de temps du service RH et l’inutilité de certaines informations communiquées déjà à l’expert.
A l’occasion de l’information en vue de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise les élus décidaient de voter un mandat pour agir en justice afin d’obtenir sous astreinte la mise à jour de la BDESE.
Munis de captures d’écran, le CSE central saisissait le Tribunal judicaire selon la procédure accéléré au fond et sollicitait la mise à jour sous astreinte.
De façon assez audacieuse, l’employeur remettait en cause le mandat considérant qu’il avait été voté au cours de la consultation sur la politique sociale en raison des difficultés d’accès à l’information par l’expert et que c’est à cette occasion que l’indigence de la BDESE était soulevée.
Or, l’expert avait rendu son rapport sans réserve, sans faire état des difficultés rencontrées et le CSE Central avait émis un avis, le différend était donc purgé et le mandat sans objet.
IL n’a pas été suivi, le juge considérant que le mandat comportait explicitement la mise à jour de la BDESE de façon générale laquelle est le support de toutes les informations en vue des consultations récurrentes ; l’action était donc recevable.
Il a bien relevé l’absence de mise à jour de la BDESE et une astreinte a été prononcée pour sa mise à jour de 50 € /jour de retard constaté dans le mois suivant la signification mais limitée à 3 mois.
En revanche le délit d’entrave n’a pas été retenu, en tenant compte des difficultés rencontrées par l’employeur
L’action judicaire s’avère être un outil indispensable à l’effectivité du droit à l’information des élus.