En décembre 2021, le Syndicat SUD ENERGIE d’un établissement EDF a assigné la société et quatre syndicats, dont la CFDT, signataires d’un accord sur l’aménagement du temps de travail. Le Syndicat SUD demandait l’annulation de l’accord et la condamnation de la société à lui verser des dommages et intérêts pour manquement à son obligation de loyauté dans les négociations. Or, vis-à-vis de la CFDT, l’assignation été délivrée au « Syndicat CFDT de la division », à l’adresse de l’établissement.
Cette mention sur l’assignation ne correspondait à aucune entité juridique car la CFDT, à l’échelon local et professionnel, n’est pas structurée en syndicats d’entreprise ou d’établissement mais en syndicats territoriaux généralement départementaux.
Par ailleurs, la jurisprudence considère classiquement qu’une section syndicale est dépourvue de personnalité morale (par exemple Cass. soc., 30 mai 2001, n°00-60.159).
Ici, le défendeur assigné n’existe donc pas juridiquement.
Le syndicat départemental CFDT, doté lui de la personnalité juridique, est intervenu volontairement dans la procédure pour pouvoir soutenir ces arguments.
Quelle conséquence sur l’assignation ?
D’un point de vue procédural, l’article 648 du Code de procédure civile dispose que l’acte introductif d’instance (ici l’assignation) doit indiquer précisément, « si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement ».
Le même article précise que « Ces mentions sont prescrites à peine de nullité. »
Le défaut de capacité à ester en justice est, selon l’article 117 du Code de procédure civile, une irrégularité de fond affectant la validité de l’acte.
L’article 119 du Code de procédure civile dispose pour sa part que l’inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure doivent être accueillies, sans que celui qui les invoque ait à justifier d’un grief, et alors même que la nullité ne résulterait d’aucune disposition expresse.
C’est ce que retient le tribunal judiciaire de Grenoble dans un jugement du 14 mars 2023 :
Le demandeur « a assigné une entité qui n’a pas d’existence juridique, qui n’a pas de personnalité juridique et qui ne peut donc pas ester en justice. Elle n’a pas fait une erreur dans la dénomination, ce qui aurait pu être le cas si elle avait assigné à la bonne adresse de la CFDT, mais une erreur sur l’entité à assigner.
Par conséquent l’assignation est entachée d’une nullité de fond. En présence d’une nullité pour vice de fond, la CFDT n’a pas à démontrer un grief ».
L’erreur était d’autant plus fatale qu’il ressort de la jurisprudence constante qu’une irrégularité de procédure tenant à l’inexistence d’une personne morale agissant ou étant attraite en justice ne peut être couverte par une intervention forcée en cours d’instance (Cass. Civ. 2ème, 12 février 2004, n°02-13.672).
C’est aussi ce qu’a retenu le tribunal judiciaire.
Quelle conséquence sur l’action en justice ?
L’irrégularité a entraîné l’annulation de l’assignation à l’égard de toutes les parties assignées.
Or, il résulte de l’article L 2262-14 du Code du travail que toute action en nullité de tout ou partie d’une convention ou d’un accord collectif doit, à peine d’irrecevabilité, être engagée dans un délai de 2 mois à compter :
- De la notification de l’accord d’entreprise pour les syndicats représentatifs disposant d’une section syndicale dans l’entreprise ;
- De la publication de l’accord sur Légifrance dans tous les autres cas.
De sorte que, en l’espèce, le demandeur serait irrecevable à contester l’accord à titre principal et ne pourrait donc pas recommencer son procès.