Le syndicat CFDT de la Métallurgie du Haut-Rhin a engagé et a gagné une action peu habituelle contre un groupe international, qui a tout fait pour échapper au paiement de l’intéressement dans sa filiale, en violation d’un accord qu’il avait pourtant conclu moins d’un an auparavant.
Ainsi en septembre 2017, un accord d’intéressement a été conclu avec la CFDT et deux autres syndicats. L’accord prévoyait le versement de la prime d’intéressement si des ratios étaient atteints d’une part, au niveau de l’entreprise, et, d’autre part, au niveau du groupe,.
Constatant les excellents résultats de l’entreprise, les syndicats ont demandé, en 2018, quel serait le montant de l’intéressement qui allait être versé aux salariés. La société a répondu qu’elle ne pourrait pas en verser en raison du résultat opérationnel qui était négatif au niveau du groupe. En effet, le groupe avait procédé à des dépréciations d’actifs d’une filiale asiatique, ce qui obérait ses résultats ; le groupe tenait prétexte de cette dépréciation d’actifs pour exposer que le ratio au niveau du groupe n’était pas atteint, ce qui empêchait le versement de l’intéressement dans la société.
La CFDT et la CFE-CGC ont alors saisi le Tribunal de grande instance de Colmar, notamment pour faire constater la violation par l’employeur de l’accord d’intéressement, et pour dire que conformément aux normes comptables françaises de l’ANC, il convenait d’exclure les opérations financières (incluant les dépréciations) pour la bonne prise en compte des résultats du groupe permettant le calcul de l’intéressement. Autrement dit, l’opération de dépréciations d’actifs étant une opération financière volontaire, elle était inopposable au principe même de l’intéressement, qui a nécessairement un caractère aléatoire (article L.3314-2 du Code du travail).
La société opposait à cette demande, qu’il ne s’agissait pas d’un acte volontaire de sa part, mais d’une obligation de procéder à la dépréciation des actifs en raison de l’application de normes comptables internationales IFRS.
Retenant les arguments avancés par la CFDT, le Tribunal de grande instance de Colmar a appliqué le principe de territorialité : l’accord d’intéressement ayant été conclu en France, les normes françaises étaient applicables ; le Tribunal de juger que « en faisant application du résultat opérationnel selon les normes IFRS alors même que le résultat opérationnel en droit comptable français est différent, la SAS n’a pas exécuté loyalement son accord ».
Le Tribunal a alors enjoint la société de prendre en compte le résultat d’exploitation du groupe et de l’entreprise pour vérifier si les ratios ouvrant droit à l’intéressement sont dus et, le cas échéant, de recalculer le montant de l’intéressement.
Suite à cette décision devenue définitive, la société a été contrainte de recalculer le montant de l’intéressement, et a dû verser aux 800 salariés des primes importantes d’intéressement ! Une belle victoire du syndicat CFDT contre les arrangements financiers d’un important groupe international.